lundi 23 octobre 2023

Nos âmes au Diable, de Jérôme Camut et Nathalie Hug

Il vaut parfois mieux ignorer la vérité...

Mi-juillet, Sixtine, dix ans, disparaît sur une plage de l'île d'Oléron. Pour Jeanne, sa mère, c'est tout son monde qui s'écroule. Elle s'en veut d'avoir été trop accaparée par son métier. Elle en veut à son mari, qui aurait dû surveiller leur petite brune aux yeux bleus, mais qui a failli, trop occupé à donner un énième coup de canif dans leur contrat de mariage.

Lorsque les recherches conduisent finalement à un multirécidiviste connu par la justice pour le viol de quatre fillettes, Jeanne comprend que rien ne sera jamais plus comme avant. Et son travail de résilience s'annonce d'autant plus long que le corps de Sixtine n'a jamais été retrouvé.

Une absence qui laisse planer comme une incertitude... Et si la vérité s'avérait plus sordide et glaciale encore que la mort d'un enfant ?

MON SOUVENIR : 💜💜💜💜

Première chose que j'ai envie de dire : j'ai beaucoup aimé ce roman mais il ne met clairement pas de bonne humeur. Je l'ai lu d'une traite car le suspense est insoutenable, l'intrigue est bien menée et le sujet poignant mais je ne dirais pas que c'était un "bon moment". Ce n'est pas une lecture "cocooning", loin s'en faut ! Ca ne "change pas les idées". C'est triste, c'est glauque, ça colle et ça irrite. Je ne conseillerais cette lecture qu'à un amateur de sordide averti.

La quatrième de couverture ne m'a pas emballée plus que ça et c'est bien parcequ'il était l'objet d'une lecture commune que j'ai lu ce roman. Soyons honnête, le coup d'une enfant qui disparait sur une place, on connait. C'est du classique, vu et revu. Et pourtant,  il n'a pas fallu longtemps pour que je reste collée à mon canapé, les yeux rivés sur la liseuse. 

Les chapitres sont courts et assez efficaces pour nous entrainer rapidement dans un maelstrom de questions et d'émotions. Comme Jeanne, la mère de Sixtine, on chemine dans une insupportable incertitude peuplée d'images qui nous hantent et de questions sans réponses.  La vie de Jeanne semble s'être arrêtée, on entre dans une dimension où la colère, la tristesse et la culpabilité menacent la plus petite étincelle de vie qui reste dans le coeur d'une mère dont l'enfant à disparu. Les auteurs dépeignent avec une grande sensibilité ce que vivent ces personnes dont les proches ont disparus et qui vivent dans l'attente de comprendre ce qui s'est passé, de savoir s'ils peuvent espérer revoir leur proche, s'il est encore vivant ou pas, ce qu'il a subit....autant de questions auxquelles la justice peut ne pas répondre faute de preuves, de temps, de moyens etc...

Petit embarras néanmoins : les pulsions sexuelles de Jeanne qui viennent ponctuer ses réflexions m'ont vite agacées. Mais passons.

Complètement happée dans cet univers de désespoir, j'ai continué ma lecture tout en craignant tout de même de retomber dans une intrigue vue et revue....mais encore une fois, les auteurs nous offrent de l'inédit...les questions trouvent peu à peu leurs réponses et elles ne manquent pas de surprendre et de déranger. Finalement, du début à la fin, on est mal à l'aise et il faut se contenter de bien peu si on veut en retirer ne serait-ce qu'une lueur d'espoir...vraiment très peu. 

J'y ais pour ma part vu en filigrane une critique d'un certain abandon de toute autorité de la part des parents comme des institutions, d'une justice expéditive, pas toujours en mesure de nous protéger de l'abjecte.

Il est inévitable, quand on est victime ou qu'on a connu une victime, de se demander combien d'enfants ou de femmes doivent être violées avant qu'on se décide à enfermer les pédophiles ou les violeurs à perpétuité pure et dure ? Combien de morts faut-il pour incarcérer des assassins à vie sans espoir de grâce ou de libération anticipée ? La justice doit-elle être plus sévère ? Ou pas ? Tout le monde a-t'il droit à une seconde chance ? Tout le monde est-il seulement capable de saisir cette seconde chance ?  Jeanne se pose toutes ces questions, elle évoque même la loi du Talion, et j'imagine aisément que bien des victimes et familles de victimes passent par ces affres du désespoir, du sentiment d'abandon, de solitude, d'incompréhension. 

Quand vous fermez ce livre, vous ressentez un véritable malaise et il est difficile d'en sortir optimiste ou confiant. Inutile de dire que ma prochaine lecture sera bien différente ! 

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Une bouteille à la mer